
Depuis le 26 février 2024, la population de Carrefour est à la merci des groupes criminels qui contrôlent cette commune. Ces derniers ont forcé les policiers à abandonner les commissariats. La Police nationale d’Haïti n’a jamais tenté de récupérer ses locaux. Six mois après, il n’y a pas eu même une seule tentative d’opération. Les groupes armés remplacent l’État dans cette municipalité limitrophe de Port-au-Prince…
Les individus armés sont partout. Sur la route principale comme dans les rues adjacentes, ils circulent de jour comme de nuit. Ils assurent la circulation des véhicules et des gens. Présents dans les marchés publics, ils rançonnent les commerçants qui gardent encore leurs boutiques et dépôts ouverts. À Carrefour, les bandits ont le contrôle de tout. Dans cette commune très peuplée limitrophe de Port-au-Prince, les structures étatiques sont quasiment inexistantes.
« À chaque coin de rue, un groupe de bandits lourdement armés s’installe et monte la garde au quotidien. C’est ainsi depuis l’attaque du commissariat de police communément appelé Oméga en février dernier. Leur présence devient presque normale », raconte au Nouvelliste un habitant de Carrefour.
« Jamais je ne m’habituerai à ces gens armés même s’ils sont tous les jours avec nous; ils vivent avec nous, ils conditionnent notre quotidien, ils savent quand on n’est pas à la maison, ils savent quand on rentre chez nous, ils savent tout… », se plaint un autre riverain joint par téléphone par le journal.
Les malfrats institutionnalisent un système de taxe, leur propre système de taxe. « Tous les samedis, régulièrement, je dois verser 2 500 gourdes si je veux continuer à garder ma boutique ouverte. Si je ne paie pas cette taxe, mon commerce sera pillé et incendié. Pire encore, je mettrai ma sécurité personnelle en jeu », rapporte au journal un petit détaillant dont Le Nouvelliste se garde de citer le nom et la localisation de son commerce.
Comme pour ce petit commerçant, dans les marchés publics et ailleurs, les gangsters imposent des taxes de fonctionnement qui varient en fonction de la taille du commerce. Il faut payer pour exister. Les centrales de production d’électricité de l’EDH sont à l’arrêt depuis des mois.
Les commerces plus formels comme les stations d’essence, les banques commerciales, les bureaux de transfert d’argent fonctionnent au gré des humeurs des groupes criminels. Le Nouvelliste n’a pas pu vérifier si ces commerces-là pactisent aussi avec les groupes armés pour fonctionner.
Carrefour, un territoire perdu contrôlé par plusieurs gangs
Difficile de savoir combien de groupes criminels évoluent à Carrefour actuellement. Cependant, il est de notoriété publique que les quartiers de Fontamara, Bizoton, Thor, Côte-Plage, Mahotière, Waney, Arcachon, entre autres, sont des territoires
contrôlés par le chef de gang appelé Krisla. La zone de Rivière-Froide est sous le contrôle de son frère avec qui il n’entretient pas de trop bons rapports, pour ne pas dire qu’ils sont en guerre. Les quartiers de Paloma vers Mariani sont contrôlés par le gang Caravane, jadis composé de policiers de la commune de Carrefour. À Mariani on trouve une autre catégorie de groupes criminels proches du gang de Gran Ravin qui contrôle aussi une partie de Martissant.
Cette semaine, plus précisément le jeudi 8 août, les éléments armés du gang de Krisla et de son frère se sont violemment affrontés à la suite du détournement d’un camion de marchandises. « Le gang du frère de Krisla a tenté de détourner un camion rempli de marchandise dans les hauteurs de Thor 12. Alerté par la situation, Krisla a dépêché sur les lieux une unité. Les soldats des deux frères se sont affrontés; il y a eu plusieurs mors », rapporte au Nouvelliste un riverain.
Où sont les forces de l’ordre?