
Ces élections législatives ont coûté des millions de dollars. Elles constituent les consultations les plus onéreuses dans l’histoire d’Haïti. Quand, le jour du scrutin, les failles dans l’organisation ont pointé le bout de leur nez, beaucoup ont crié au scandale. Sans concession, sur la Toile et ailleurs, on a vite rappelé que le CEP, qui s’était targué d’être « fin prêt » pour la tenue de ces joutes, ne l’était pas. Pas totalement. Les claques ont fusé. Quelques électeurs, cocasses, se sont rendu compte qu’une encre utilisée était plutôt débile qu’indélébile. On a ri des isoloirs qui n’isolent pas, des urnes qui ressemblent à des boîtes à lunch taille XL.
Frantz Duval, dans ses commentaires sur Magik 9 a observé «la portabilité de ces matériels, faciles à déployer, faciles aussi à protéger lorsqu’il y a des pépins dans le bureau de vote». Sur le terrain des élections, il n’y avait plus de « benyen kache lonbrit ». Pour tout cet argent, des électeurs croyaient qu’ils allaient voir autre chose, entendre autre chose dans un premier temps qu’une panne d’encre pour imprimer des mandats. La « défaillance technique » dans l’impression des mandats (800 000 selon le CEP), à la fin de l’opération de vote, a fait place à la dénonciation de sabotage. Le cadre, interne au système, responsable de l’impression de ces mandats, est parti vendredi soir sans donner de nouvelles avec la base de données et autres matériels du CEP, a révélé le numéro un du CEP. Pour le CEP, si cette information sensible avait été divulguée avant et pendant la journée, cela aurait mis en péril le processus, a estimé Pierre-Louis Opont.
Si pour certains il s’agit effectivement d’un acte de sabotage donnant au CEP une « petite circonstance atténuante », sans pour autant le dédouaner de ses responsabilités vis-à-vis de ce problème de mandats aux mandataires des partis politiques, d’autres estiment que l’institution électorale a trouvé dans l’acte de ce cadre « en cavale » un parfait exutoire, un pain bénit, un bouc émissaire. L’intéressé, dans la presse, s’est pourtant défendu. Il a souligné être parti avec son laptop. Il a dit avoir démissionné samedi soir et a dénoncé le patron du CEP dont le comportement a été irrévérencieux à son égard. Ce cadre a également confié qu’il était l’objet de menaces de mort de la part de certains partisans de candidats. La justice devra démêler tout ça.
Pour le moment, ni le PNUD, ni le CEP ne peuvent prétendre en avoir mis plein les yeux aux Haïtiens. Eux qui avaient décidé de commander les bulletins à Dubaï et d’autres matériels en Afrique du Sud ne sont pas parvenus à faire rougir de gêne des imprimeurs locaux, contournés lors de l’appel d’offres pour l’impression des bulletins. A ce stade, il est fort probable que ceux-ci trouvent du grain à moudre, du bon sucre à casser sur le dos du CEP et du PNUD, en charge, chacun à leur niveau dans l’organisation des élections.
D’un autre côté, même si le taux de participation à ces législatives est faible, la détermination affichée par les citoyens et les citoyennes à voter, envers et contre tout, est louable. Devenue virale sur les réseaux sociaux, la photo de cette électrice qui vote les deux genoux à terre (Doggy style) l’illustre bien. Bien plus qu’une illustration, cette photo est la plus grosse claque assenée au CEP, au PNUD. L’isoloir placé sur des blocs et des BV installés au soleil sont révélateurs d’une précarité certaine. Même si, il faut le reconnaître, que cet échantillon est loin d’être représentatif de l’ensemble des 13 000 bureaux de vote installés dans tout le pays. Frantz Duval, toujours sur Magik 9, a salué la détermination des électeurs qui ont voté dans des conditions si précaires. Pour lui, « Il y a plus d’espoir pour la démocratie qui se fait dans ses conditions que dans le rire de ceux qui s’en amuse».
Cela dit, pour beaucoup d’électeurs, de mordus de Facebook et de twitter, ces élections ont donné une piqûre de rappel. Haïti n’est pas la Suisse et beaucoup de ces instruments publics en mauvais état, -ces écoles nationales utilisées pour le scrutin accueillent nos enfants, -sont plantés dans notre vécu, dans notre quotidien de pays pauvre.
A côté des claques nécessaires, il faut savoir préserver l’essentiel, apprendre des erreurs, des failles et corriger pour la prochaine fois. Ceci, en ayant à l’esprit que le faible taux de participation a quelque part sauvé cette journée électorale, surtout dans l’Ouest. Pour la présidentielle, le second tour des législatives et les municipales du 25 octobre, il y aura plus de participation populaire et pas de chambre pour les défaillances…No room for mistake…