
René Préval, toujours à l’heure à tous ses rendez-vous, n’a pas manqué celui avec la mort ce vendredi 3 mars. Il est décédé chez lui, à Shangri La, sur la route menant à Kenscoff, dans les hauteurs de Pétion-Ville, a confirmé sa soeur Marie Claude Calvin au journal. C’est une attaque foudroyante qui a emporté l’ancien président d’Haïti. A la tête du pays pendant dix ans (1996-2001 et 2006-2011), il a survécu au séisme de janvier 2010 alors que le palais national, sa résidence, et une bonne partie de la région métropolitaine de Port-au-Prince finissaient en ruine.
Préval, 74 ans, retrouvé inanimé chez lui, venait quelques minutes auparavant de raccompagner à sa voiture le député de Pétion-Ville, Jerry Tardieu, avec lequel il a partagé un petit déjeuner amical un peu plus tôt vendredi matin. « Je venais de le laisser en excellente santé, j’étais en route pour rentrer à l’hôtel Oasis quand on m’a annoncé sa mort; je ne pouvais y croire, avant de me rendre à l’évidence », a déclaré au Nouvelliste celui qui a vécu avec Préval ses derniers instants de lucidité.
Si l’ancien président se plaignait de maux de tête ces derniers temps, il avait passé avec succès une série de tests médicaux au début de l’année et rien ne laissait présager une mort si soudaine, confient ses proches. Selon les informations dont dispose Le Nouvelliste, c’est un membre du personnel de la maison qui a prévenu la femme du président en voyage que celui-ci avait apparemment un malaise. Il n’est pas encore midi ce vendredi, l’homme qui a remporté deux fois les élections et terminé ses deux mandats est déjà parti pour l’au-delà, mais personne ne s’en rend encore compte.
Élisabeth Préval alerte des médecins, des amis de l’ancien président pendant que l’on conduit son mari, sans connaissance, dans un centre hospitalier, le DASH Ste-Claire de Laboule, où le personnel médical sur place n’a pu que constater son décès. « Françoise, l’agent de sécurité, m’a appelée pour me dire qu’elle avait été apporter un pli au président quand elle a découvert René inanimé. Il était assis sur une chaise. On l’a transporté d’urgence au DASH, deux infirmières ont tenté des manœuvres de réanimation, sans succès », a confié au journal, depuis Miami, Élisabeth Préval.
« René s’est éteint. Je ne sais pas si c’est un ACV, une rupture d’anévrisme ou une crise cardiaque massive. Je lui ai parlé ce vendredi matin. Il était en pleine forme et de bonne humeur. Il devait venir me chercher à l’aéroport samedi matin. On s’était promis d’aller manger au restaurant Portofino. Il est mort », a soupiré Mme Préval.
« Le coup est dur pour le pays, pour sa famille », estime Élisabeth Débrosse, troisième épouse du président Préval.
Jude Célestin, ancien dauphin choisi par René Préval pour lui succéder en 2010, accouru au centre hospitalier, confirme lui aussi que c’est un homme mort qui a été reçu par les responsables du DASH de Laboule.
« Je crois que tout était déjà fini quand il est arrivé à l’hôpital, on ne pouvait plus rien pour le faire revenir à la vie », a déclaré l’ancien candidat à la présidence. Dans un communiqué, le centre DASH Ste-Claire de Laboule confirme que c’est bien la dépouille du président qui est arrivée à midi 10 dans ses locaux. « L’équipe médicale en place n’a pu que constater le décès », dit la note.
Au DASH de Laboule 12, des amis de l’ancien président, le président Michel Martelly et sa femme, d’anciens ministres qui ont servi sous ses ordres sont les premiers à se rendre sur place. Mgr Joseph Lafontant, ami du défunt, bénit la dépouille avant qu’elle ne soit transportée à la morgue de Pax Villa.
René Préval, seul président haïtien élu au suffrage universel à avoir accompli son mandat constitutionnel, à avoir transmis le pouvoir à un président élu et le seul à s’être fait réélire avant de repasser l’écharpe présidentielle à un autre président élu, était devenu, au fil des ans, un sage que tout le monde consultait.
Derrière les murs de sa résidence de Laboule, cette grande villa nommée Shangri La par des propriétaires précédents, René Préval, jamais avare en conseils et en écoute attentive, recevait beaucoup. Il était l’un des rares membres de la classe politique à avoir occupé les plus hautes fonctions (directeur général, ministre, premier ministre et président de la République) depuis 1986 qui pouvait encore parler avec tous les secteurs. L’international, le secteur privé, les politiques le consultaient comme un oracle.
Ses relations étaient bonnes ou cordiales avec tous. Sauf avec Jean-Bertrand Aristide, celui qui lui a mis le pied à l’étrier en 1991 pour en faire le premier ministre du premier président démocratiquement élu sous l’égide de la Constitution de 1987. Les deux hommes ne s’étaient plus parlé depuis les années 2002-2003. L’homme de Marmelade, homme de mémoire, avait le don de ne pas oublier.
Sa passion pour la chose publique, son statut de « Père de la nation haïtienne », comme l’a appelé Hervé Ladsous, haut responsable de l’ONU de passage en Haïti pour l’investiture de Jovenel Moïse, sont les seules raisons qui expliquent qu’il n’avait pas accompagné sa femme aux États-Unis d’Amérique pour le congé du carnaval. Il enchainait les rencontres, traitaient au téléphone de multiples problèmes, tout en restant un mari, un père et un grand père attentionnés.
René Préval, devenu très religieux ces dernières années, assistait régulièrement aux célébrations eucharistiques de Mgr Lafontant dans une chapelle privée non loin de son domicile. Il en parlait à tous, lui l’ancien élève des Jésuites du Petit Séminaire Collège St-Martial qui avait retrouvé Dieu après des années d’errance.
René Préval laisse dans le deuil deux filles, des enfants adoptifs, une sœur, des parents, des amis partout dans le monde et un pays qui cherche encore sa route vers la démocratisation et le mieux-être.