
Guy Philippe, sénateur élu de la Grand’Anse, a été transféré aux États-Unis d’Amérique jeudi soir en vertu d’un mandat d’arrêt international qui avait été décerné contre lui depuis des années pour implication dans le trafic des stupéfiants.
Depuis 2005, l’ancien militaire, ancien commissaire de police et leader de la rébellion armée qui a conduit à la chute de Jean-Bertrand Aristide était recherché par l’agence antidrogue américaine (DEA).
C’est entouré d’agents en armes de cette agence américaine qu’il a été vu montant menotté à bord de l’avion qui l’a emmené aux USA dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux.
Sur la vidéo, Guy Philippe, chemise claire, est emmené dans l’avion puis on le fait descendre à plusieurs reprises pour être pris en photo, comme un trophée, avec ceux qui ont conduit l’opération.
Jusqu’au moment de mettre sous presse, aucune autorité haïtienne n’a fait de déclaration sur cette arrestation et sur l’extradition de Guy Philippe. Ce cas n’est pas le premier cas de responsables publics remis aux autorités américaines et le même silence embarrassé a toujours été le rempart derrière lequel se cachent tous les responsables politiques haïtiens, d’un gouvernement à l’autre.
Un peu plus tôt dans l’après-midi de jeudi, alors que la capitale est installée devant son téléviseur pour un match du FC Barcelone diffusé en direct, Guy Philippe a été arrêté par des membres de l’unité antidrogue de la Police d’Haïti, la fameuse Brigade de lutte contre les stupéfiants (BLTS), quelques minutes avant 4 heures.
Guy Philippe, ancien militaire et ancien membre de la Police nationale d’Haïti (PNH) après le démantèlement des Forces Armées d’Haïti (FADH), a été appréhendé en sortant d’une émission de débats très populaire sur la radio Scoop FM, a déclaré à l’antenne Garry Pierre Paul Charles, directeur de la station et animateur de l’émission Haïti Débats.
Selon les déclarations de journalistes témoins de la scène, ce sont des membres de l’unité antidrogue de la PNH qui ont mené l’opération pendant que le sénateur fraîchement élu prenait un bain de foule devant le local de la radio avant de rejoindre son véhicule.
Pendant plusieurs minutes, Scoop FM a interrompu ses émissions après que les auditeurs eurent écouté en direct des tirs nourris d’armes à feu. Selon Garry Pierre Paul Charles, Guy Philippe n’avait pas été invité à prendre part à l’émission de ce jeudi. Il était passé et avait été interviewé en direct comme cela se fait souvent lors des émissions de grande écoute en Haïti.
« Je n’ai aucune compréhension de ce qui s’est passé. Quelqu’un a été arrêté alors qu’il venait de participer à une émission. Je m’arrête aux faits. Il revient à la police d’indiquer les causes de son arrestation », a dit Garry Pierre Paul Charles, soulignant que Guy Philippe, en arrivant à la station, venait du Parlement haïtien.
Selon Réginald Miracle, journaliste de Scoop FM, «Guy Philippe venait de laisser la barrière de la station quand il a été acclamé par quelques sympathisants. C’est à ce moment qu’un agent de la BLTS s’est approché vers lui, feignant de le féliciter comme le faisaient ses supporteurs. Au même moment, d’autres agents ont débarqué d’un pick-up. Ils ont encerclé la zone. Ils ont arrêté et menotté Guy Philippe alors qu’ils tiraient en l’air un nombre important de coups de feu », a-t-il témoigné.
Le sénateur élu Guy Philippe, longtemps recherché par les services antidrogue américains, notamment la DEA, considéré comme un fugitif, avait pris part en 2003 à la rébellion armée qui a aidé à la chute et au départ pour l’exil du président Jean-Bertrand Aristide en février 2004.
Récemment, le nom de Guy Philippe a été cité comme commanditaire d’une attaque contre un commissariat aux Cayes. Le Bureau des affaires criminelles (BAC) de la PNH avait conclu dans une enquête qu’il était l’auteur intellectuel de l’attaque survenue en mai 2016.
Au cours de l’affrontement en question, il y avait eu un mort et deux blessés dans les rangs des policiers. Les assaillants ont quitté les lieux en emportant une vingtaine d’armes à feu et des gilets pare-balles de la police. Un assaillant avait été tué dans l’affrontement avec les forces de l’ordre et trois autres avaient trouvé la mort dans un accident de voiture lors de leur fuite, rappelle une dépêche de l’Agence France Presse.
«Cette attaque a été planifiée au cours d’une rencontre tenue par un groupe de présumés bandits se faisant passer pour des membres de l’ex-FAD’H (Forces Armées d’Haïti, démantelées en 1995), sous l’égide du nommé Guy Philippe», avait indiqué le rapport du BAC.
Guy Philippe avait toujours nié toute participation à cette affaire du commissariat des Cayes. Un mandat avait été lancé contre lui. En campagne électorale, il était intouchable. Membre du Consortium des partis politiques, un petit regroupement proche du Parti Haïtien Tèt Kale, il est réputé proche de Michel Martelly et du président élu Jovenel Moïse qui lui avait rendu visite pendant la campagne électorale dans son fief de Pestel.
Guy Philippe n’a pas encore prêté serment au Parlement haïtien. « Le sénateur élu Guy Philippe a été arrêté en jouissant du statut particulier de celui qui n’est plus en campagne, mais n’est pas encore parlementaire avec toutes les immunités que lui confère sa fonction », a souligné pour Le Nouvelliste un avocat consulté sur la question.
Le sénateur Youri Latortue, remarqué au local de la radio Scoop FM, n’a pas voulu commenter l’arrestation du sénateur élu de la Grand’Anse. « Je ne peux pas encore réagir. Je me rends d’abord à la DCPJ », a-t-il indiqué.
Pour le moment, on ignore les charges retenues contre Guy Philippe.
Une photo du sénateur élu entouré d’hommes lourdement armés faisait le tour des réseaux sociaux jeudi matin. Il était rentré de Pestel en triomphateur pour endosser son nouveau costume de sénateur
Quelques dizaines de partisans de Guy Philippe ont été remarqués dans les parages de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) en début de soirée. Ils ont dénoncé l’arrestation du sénateur élu et réclamé sa libération immédiate. Un important dispositif de sécurité a été déployé devant les locaux de l’institution policière.
Frantz Duval source le nouvelliste