
Il y a un an, la situation des droits humains en Haïti suscitait déjà une vive inquiétude. Malheureusement, en 2024, la situation reste alarmante. La sécurité, le droit à la santé, à l’éducation et à une vie digne sont gravement menacés dans un pays où les gangs règnent en maîtres, malgré les tentatives de la communauté internationale pour y remédier, regrette William O’Neill, expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti
« L’insécurité, alimentée par un afflux d’armes malgré l’embargo international, se généralise. Les gangs, désormais mieux armés, étendent leur contrôle territorial, terrorisant la population et paralysant les institutions. Les attaques se multiplient, provoquant des déplacements massifs (près de 700 mille Haïtiens) et un appauvrissement généralisé », a déploré, en conférence de presse, vendredi 20 septembre 2024, William O’Neill, expert des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti.
« Aux Cayes et à Jérémie, des zones autrefois épargnées par cette violence subissent aujourd’hui des pénuries alimentaires, une inflation galopante, et voient affluer des déplacés internes », a ajouté l’expert indépendant qui a dressé un un portrait sombre de la situation.
William O’Neill, qui en est à sa troisième mission en Haïti, dit constater que la réponse des autorités haïtiennes et internationales semble dérisoire face à l’ampleur de la crise.
« La Police Nationale d’Haïti manque cruellement de ressources pour contrer les gangs. Un policier à Jérémie décrit la situation comme « impossible », soulignant l’urgente nécessité d’une aide concrète. De son côté, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), autorisée en octobre 2023, n’a déployé qu’une fraction de ses effectifs (moins de 25%) et manque de matériel adéquat », a-t-il expliqué.
Pendant ce temps, la population continue de souffrir. « Les violences sexuelles se multiplient, souvent utilisées par les gangs comme arme de contrôle. Des enfants sont recrutés de force pour participer à des actes violents, et les jeunes haïtiens voient leur avenir sombrer. Ceux qui réussissent à quitter les gangs, souvent avec le soutien d’organisations civiles, aspirent simplement à une vie normale, avec un emploi et la scolarisation de leurs enfants », a souligné l’expert des Nations Unies.
Les infrastructures publiques, déjà en crise, sont débordées, constate M. O’Neill. « Moins de 30 % des services de santé fonctionnent normalement, et près de cinq millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire. Dans les camps de déplacés, la situation est désespérée, avec des enfants souffrant de malnutrition chronique».
Les prisons sont également dans un état critique, surpeuplées et insalubres, avec des taux élevés de détention préventive prolongée, a-t-il fait remarquer. «Dans le sud du pays, à la prison des Cayes, il y a 853 détenus pour une capacité totale de 200 personnes ; à la prison de Jérémie, il y a 470 détenus pour une capacité de 50. Ils dorment sur des sols inondés d’eau de pluie et jonchés d’immondices. Ils restent parfois plusieurs jours sans manger. Plusieurs dizaines de détenus sont morts dans ces conditions cette année. Au moins 84% d’entre eux sont en détention préventive prolongée», regrette l’expert indépendant.
« La lutte contre la corruption, bien que devenue une priorité pour le gouvernement, progresse lentement. La mise en place de pôles judiciaires spécialisés est attendue pour enrayer ce fléau. En attendant, Haïti continue de s’enfoncer dans une crise humanitaire qui ne semble avoir aucune fin en vue », a relaté l’expert des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti
En conférence de presse le mardi 31 octobre 2023, à l’hôtel Karibe à Port-au-Prince, William O’Neill a indiqué qu’il est « particulièrement préoccupé par l’impact de l’insécurité et de la violence sur les enfants. Les témoignages reçus sont édifiants. C’est une génération entière qui semble sacrifiée par la violence et l’avenir d’un pays qui est menacé par la situation dramatique de sa jeunesse». C’est par ces mots que l’expert avait exprimé ce qu’il a vu sur le terrain pendant ses dix jours en Haïti dans le cadre de sa deuxième visite officielle dans le pays. « Depuis cette visite, la situation a empiré », constate-t-il.