
Trop, c’est trop. La formule est assez anecdotique. Mais elle émane du directeur général de la PNH Godson Orélus qui, comme le reste de la société, n’en peut plus avec l’insécurité qui endeuille la région métropolitaine ces jours-ci. Seulement en 2016, quatre policiers sont déjà tombés sous les balles des bandits. Des individus, sans histoire, sans carnets d’adresse, revenant de la banque, sont braqués et le kidnapping va grandissant. M. Orélus, furieux par moments, bien entouré des hauts gradés de la Police, parle des « agressions de trop », soulignant que « ces actes les révoltent ». « C’est assez, on ne peut plus continuer à perdre nos policiers comme ça », martèle-t-il, avant de discourir, sans pour autant dévoiler leurs stratégies, sur les actions qui seront entreprises aux fins de « ramener la sécurité » dans la mégapole peuplée de trois millions d’habitants.
Sur la question des policiers assassinés fin 2014 à aujourd’hui, 57 arrestations ont eu lieu et 42 sont différées par-devant la justice. Sur ce front, la police déploie de grands moyens, à entendre Godson Orélus. L’enquête relative à l’assassinat du policier Thomas Sainristil, tué par balle à Croix-des-Missions, a abouti. Celles portant sur l’assassinat de Lionel Prévillon abattu à Delmas 73 le 9 février dernier et sur Dumé David –qui était jusqu’ici l’un des derniers policiers en vie de la patrouille de Walky Calixte – ont elles aussi abouti. Des bandits sont épinglés à cet effet. « Nous ne sommes pas restés insensibles à ces attaques », dit-il, comme pour montrer, contrairement à la perception populaire, que la police ne s’endort pas. Ferme, le directeur général de la PNH réclame que le jugement des tueurs de policiers soit médiatisé. « Il faut que la société connaisse ces individus. Les policiers aussi. Il faut qu’un exemple soit tracé. Ce sera très important pour le moral de notre institution. »
Mercredi, la ville s’est réveillée avec des gouttes de sang dans les yeux. Au petit matin, des bandits circulant à moto ont descendu à Portail-Léogane, à l’entrée sud, un agent II de la PNH. Gérald François, affecté au commissariat de Carrefour, venait tout juste d’effectuer un service d’inspection au boulevard Harry Truman, non loin du Théâtre national. L’image du policier baignant dans son sang est devenue virale sur les réseaux sociaux. Un de ses frères d’armes a lui aussi été blessé par balle, alors que la population, angoissée, déjà traumatisée par la remontée de l’insécurité, est sur le qui-vive. Mais la PNH ne se laissera pa faire. Sous le couvert d’une opération menée jeudi matin, dans la foulée de cette double attaque perpétrée contre ceux qui sont censés habiliter à veiller sur nos vies, un bandit a été tué dans un échange de tirs avec les forces de l’ordre, indique Godson Orélus, appelant ses troupes à cultiver « l’esprit de corps », quand un des leurs est en danger.
Les quartiers de La Saline (là où loge le plus grand marché de la capitale, Croix-des-Bossales), Simon Pelé, Martissant, entre autres, vibrent au rythme des tirs nourris depuis plusieurs jours. La liste des morts, des blessés s’allonge. En silence. Les bandits semblent avoir carte blanche. Les petits marchands du bas de la ville laissent transpirer leur impuissance. « Ils se battent pour le contrôle du marché », affirme une Port-au-Princienne, propriétaire d’un petit restaurant à la rue des Casernes, qui chaque jour se voit obligée de descendre au bas de la ville pour faire ses emplettes. « Ça crée de la panique, de la peur […] », selon une étudiante en médecine à l’Université Notre-Dame d’Haiti (UNDH), habitant à Martissant. Godson Orélus, du haut de son bureau à Pétion-Ville, en est au parfum. « La situation est censée être sous contrôle. J’invite la presse d’aller vérifier », a-t-il affirmé, devant une meute de journalistes.
Sonné par ces attaques contre les flics, bref la recrudescence de l’insécurité, Godson Orélus veut motiver ses troupes. Il les appelle à plus de courage. Il laisse entendre que le climat sécuritaire va s’améliorer. Croyant comme lui seul que la police n’y peut rien sans la population, il a insisté sur la nécessité que celle-ci ne réchigne point sur sa collaboration. « Nous avons besoin de votre support. De vos infos parce que les bandits sont parmi nous ». En milieu de semaine, plusieurs organismes de défense des droits humains ont avancé que la situation politique serait de nature à provoquer l’augmentation des cas d’insécurité et de banditisme. Voyant peut-être plus loin que le DG de la PNH, ils ont invité Jocelerme Privert à doter le pays d’un gouvernement fonctionnel le plus vite possible en vue d’aborder cette nébuleuse de sécurité publique. Juno Jean Baptiste – Source Le Nouvelliste
1 0 4 83 132