
L’Union européenne a fait le point, ce vendredi 19 février, à Pétion-Ville, sur l’appui budgétaire fourni à Haïti depuis 2014. Si certaines étapes sont encourageantes, d’autres déçoivent par contre. Le bailleur se montre exigeant et va parfois jusqu’à annuler certains décaissements faute de pièces justificatives.
En dépit de la disponibilité de 110 millions en appui budgétaire et 12 millions d’euros en appui institutionnel, 6,5 millions d’euros ne sont pas décaissés en 2015 par l’Union européenne (UE) dans le cadre de son accord avec l’État haïtien. Faute par l’État haïtien de rendre des comptes correctement, ces fonds vont demeurer dans les caisses du bailleur de fonds au moment où le pays a besoin de ressources pour faire fonctionner l’appareil étatique.
L’État haïtien n’a pas été capable de justifier certains montants de l’appui budgétaire à Haïti. Ainsi, 6,5 millions de la somme totale de cet appui ne seront pas décaissés par le bailleur de fonds. L’UE veut prendre des précautions pour ne pas alimenter la corruption dans un pays où les moyens financiers sont déjà très limités. Dans l’accord relatif à cet appui budgétaire, signé le 25 juin 2014 entre les deux parties, il était entendu que certaines sommes ne seront pas versées si les objectifs ne sont pas atteints.
Cet appui qui contient des tranches fixes et d’autres variables prévoit d’annuler certains décaissements. « Le fait que l’État n’applique pas de bonnes politiques macro-économiques peut mettre en cause une tranche fixe », a précisé le chef de la délégation de l’UE en Haïti. Le bailleur demande parfois de prouver les progrès accomplis dans les domaines de finances publiques dans le cadre de la mise en œuvre des politiques générales de l’État.
Tout en faisant remarquer que l’UE n’impose pas, ou ne tente pas d’influencer l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti n’a pu cacher leur préférence pour l’éducation et les réformes enclenchées durant la présidence de Michel Martelly. Vincent Degert a confié toutefois qu’ils veulent influencer la bonne gestion des finances publiques, passage obligé du développement d’Haïti.
« L’UE n’impose pas d’indicateurs aux autorités haïtiennes, mais ils se mettent d’accord pour les définir. En plus, ces indicateurs sont sujets parfois à des modifications. D’où leur caractère évolutif », a fait remarquer Vincent Degert. Le diplomate européen a souligné, entre autres, que l’appui budgétaire est une modalité d’aide qui répond au souci de responsabiliser un État bénéficiaire (Haïti dans ce cas) et qui se distingue de l’approche projet ou programme. Il a ajouté que l’appui en question ne s’oppose pourtant pas à l’approche projet-programme de cette coopération avec Haïti.
Le bailleur européen a affirmé qu’un certain nombre de critères doivent être respectés selon les modalités de l’accord conclu entre les deux parties. Les recrutements dans l’administration doivent se faire par concours et non d’une autre manière. L’UE, par l’intermédiaire de Vincent Degert, constate que, depuis 2014, 50% des fonctionnaires sont recrutés sur la base d’un concours. Autre avancée, le nombre de fonctionnaires est connu suite à un recensement. La grille salariale n’est plus un secret et des moyens sont disponibles pour évaluer les fonctionnaires.
L’UE dit travailler à ce que l’État haïtien s’approprie des réformes dans les finances publiques, la lutte contre la corruption et que le pays dispose d’une justice impartiale. La transparence financière et les bonnes pratiques de gestion des fonds n’auront d’autres objectifs que de rendre l’État haïtien plus vertueux tout en renforçant sa souveraineté.
Le programme de l’UE en Haïti comprend un dialogue permanent et structuré avec le gouvernement haïtien dans trois domaines : la réforme de l’administration, la réforme des finances publiques, la politique publique dans l’éducation. Les partenaires institutionnels de ce mécanisme demeurent le ministère de l’Economie et des Finances, celui de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle et l’Office de management et des ressources humaines (OMRH).
Le programme d’appui budgétaire à la consolidation de l’État haïtien (2014-2016) ne fait pas de cadeau, paraît-il. L’UE serait disposée à jouer gros pour justifier ses fonds investis en Haïti. Des mesures d’accompagnement sont prises sous forme d’un renforcement des capacités sur la base d’un partenariat et de la responsabilité mutuelle. Le programme cherche à augmenter les capacités de l’État en favorisant la réforme fiscale et plus particulièrement l’équité fiscale.
Loin de saper la souveraineté de l’État haïtien, l’UE perçoit sa démarche comme une modalité de responsabilisation vis-à-vis de ses fonds. Le bailleur européen y voit un investissement sur la capacité. Si les deux parties sont satisfaites de la gestion des fonds alloués, un deuxième programme d’appui budgétaire peut être envisagé. Dieudonné Joachim Source Le Nouvelliste