
Un sondage réalisé par un groupe de recherche indépendant a révélé une profonde méfiance du public du premier tour de l’élection présidentielle en Haïti, une constatation qui est de nature à alimenter les appels lancés par les partis de l’opposition pour un nouveau dépouillement des résultats contestés.
Des équipes de chercheurs de l’Institut Igarape basé au Brésil ont mené un sondage à la sortie des urnes le jour de l’élection le 25 octobre dernier et le suivi avec les mêmes électeurs à nouveau après l’annonce des résultats préliminaires le 5 novembre. Ils ont constaté que la confiance du public dans le processus avait chuté entre les deux dates, selon une analyse publiée jeudi. Dans le sondage à la sortie des urnes, 82% des électeurs sont d’accord avec l’énoncé «Pour autant que je peux voir, cette élection est juste, il n’y a pas de fraude ». Mais, dans le suivi, la conclusion était presque à l’opposé avec près de 90% disant qu’ils étaient en désaccord avec l’énoncé. Le sondage a également montré un résultat curieux lorsqu’on a demandé aux électeurs pour qui ils ont voté parmi les 54 noms sur le bulletin de vote. Un peu plus de 6% ont déclaré avoir voté pour le candidat soutenu par le gouvernement, Jovenel Moïse, le plaçant quatrième. Mais les résultats préliminaires proclamés le 5 novembre dernier le placent en tête avec près de 33% du vote, le mettant au second tour avec Jude Célestin qui termine en deuxième position avec 25,3%. En troisième place Jean Charles Moïse avec 14,3% et en quatrième position Maryse Narcisse avec 7%.Un sondage à la sortie des urnes jette plus de doutes sur des résultats déjà contestés – Radio Television Caraibes: Haiti, Actualites, Nouvelles, News, Politique
Alors que 37,5 % des enquêtés ont indiqué avoir voté pour Jude Célestin du parti Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (Lapeh), 30,6% disent avoir voté pour Moïse Jean Charles de la plateforme Pitit Dessalines, 19,4% pour Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas.
Ce n’est pas inhabituel pour les sondages de sortie des urnes de varier à partir des chiffres de votes réels et cette étude ne prouve pas que les résultats préliminaires annoncés par le Conseil électoral provisoire (CEP) sont inexacts, a déclaré Robert Muggah, directeur de recherche de l’institut. Mais il croit qu’elle suggère un besoin pour un examen plus approfondi.
« Au minimum, elle soulève des questions sur les perceptions des gens quant à la crédibilité des résultats », a déclaré Muggah dans un entretien téléphonique depuis Rio de Janeiro.
Le Conseil électoral n’a pas publié les résultats définitifs et a jusqu’ici rejeté les appels des dirigeants de l’opposition pour un nouveau dépouillement. Le second tour est prévu pour le 27 décembre prochain. Il devrait opposer Jovenel Moïse, un homme d’affaires qui n’a jamais tenu de bureau politique et a été choisi comme successeur par le président Michel Martelly, contre Jude Célestin, un ancien chef d’entreprise de construction appartenant à l’État qui avait été défait à l’élection présidentielle contestée en 2010.
Les partisans de l’opposition ont organisé des manifestations répétées contre les résultats depuis le 5 novembre, car ils exigent un recomptage. Plusieurs milliers ont défilé dans la capitale mercredi jusqu’à ce qu’ils aient été dispersés par la police tirant du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc.
Le parti de Martelly a nié les accusations de l’opposition de manipulation du vote et a rejeté les appels pour un nouveau dépouillement.
Une mission d’observation de l’Organisation des États américains (OEA) a noté certaines «irrégularités», mais a conclu que les résultats préliminaires semblaient être en ligne avec ce qu’ils ont vu le jour des élections.
Le sondage à la sortie des urnes Igarape a trouvé qu’environ 4% des électeurs ont été témoins d’actes qu’ils considéraient comme frauduleux, comprenant des représentants tentant de détourner les électeurs, des gens ayant voté plusieurs fois ou des mandataires ayant voté sur procès-verbal comme les autres électeurs. Les incidents de fraude ont été constatés par les membres de l’équipe de recherche dans 12 bureaux de vote. Des chercheurs canadiens et haïtiens ont interrogé 1 991 personnes dans 135 bureaux de vote. Le sondage avait une marge d’erreur de 2,29 points de pourcentage.
Un sondage à la sortie des urnes jette plus de doutes sur des résultats déjà contestés – Radio Television Caraibes: Haiti, Actualites, Nouvelles, News, Politique
Igarape a mené des sondages en sciences sociales en Haïti depuis plus d’une décennie. Athena Kolbe, un professeur à l’Université d’État de New York à Brockport qui est l’un des auteurs du rapport, a déclaré que le sondage à la sortie des urnes pour cette élection faisait partie d’un projet à long terme et ils n’avaient pas l’intention à l’origine de le publier avant la date du second tour le 27 décembre.
Mais cela a changé à la vue des résultats, qui suggèrent que les gens perdent confiance dans le processus électoral, qui était déjà fragile en Haïti.
« Il doit y avoir une enquête neutre ou une intervention dans le processus pour restaurer la confiance des gens que leur vote comptera », a déclaré Kolbe par téléphone depuis Port-au-Prince. « Sinon, les gens ne voudront pas retourner aux urnes. »
Ben Fox/Associated Press (AP) Traduction de Patrick SAINT-PRE VOIR LE RAPPORT